dimanche 22 décembre 2013

Ancient Domains Of Mystery jeu développé par Thomas Biskup (1994)


Une dragonne très possessive

Ancient Domains Of Mystery est le rogue-like de l’allemand Thomas Biskup auquel je me suis plongé pendant deux mois afin d’en découvrir la fin après que lui y soit immergé depuis près de 20 ans. Et j’y suis presque arrivé ! Je suis mort au tout dernier niveau…


Comme tous les rogue-like, l’intérêt réside dans la mort. Une fois mort on recommence depuis le tout début peu importe le nombre d’heures passées, on doit donc réitérer inlassablement les mêmes actions, créer son personnage refaire les première quêtes etc… Pourtant on ne repart pas de rien, car notre expérience grandit à chaque partie : éviter tel piège, telles zones à éviter, quels sont les caractéristiques de tel monstre ou de tel objet. On est au fur et à mesure des essais absolument immergé dans cet univers médiéval complexe où l’on doit s’adapter à l’aléatoire omniprésent du jeu et mettre en place la meilleure stratégie à partir de ce que l’on a obtenu pour aller le plus loin possible. Plus on connaitra les règles fixées par le développeur, plus la probabilité d’aller loin augmentera, en somme il faut devenir une encyclopédie du jeu pour le terminer. C’est un gros investissement personnel que de terminer un tel jeu car les mécanismes sont très nombreux et rien ou presque n’est expliqué, il faut tester pour avancer. Cela peut sembler frustrant et laborieux mais le jeu est tellement addictif que la frustration est vite remplacée par la jouissance. C’est le système de drop associé aux stratégies que l’on met en place par l’imagination et l’analyse qui rend le jeu si addictif. Le drop est la clef de tout MMORPG, c’est-à-dire la possibilité d’obtenir par exemple une arme particulièrement puissante tôt dans le jeu juste par chance, la stratégie sera notre faculté à nous sortir de situation particulièrement critique grâce aux contenus des dizaines d’objets de notre inventaire.

Contrairement à un autre rogue-like et parce que j’ai joué à la mise à jour 2013 (première version en 1994 en Ascii) le jeu est très correct graphiquement, c’est un plaisir de découvrir son esthétique. De plus, il y a une carte du monde avec des rencontres aléatoires à la manière des RPG japonais, ce qui dépasse le classique : 1 rogue-like = 1 donjon. Non là il y a près de trente zones différentes, nombreuses sont des donjons, mais il y aussi des villages, une zone sous-marine gardée par un puissant dragon bleu, à l’intérieur d’un gouffre (matériel d’escalade obligatoire !) on trouvera une bibliothèque très ancienne surveillée par un gardien qui ne vit plus que sous la forme d’un spectre, on entrera par hasard dans une forêt de fées particulièrement brutales etc … Je le disais l’univers est beau et pas mal d’idée sont originales mais le plus impressionnant c’est ses musiques. Alors qu’habituellement il n’y a pas de musique dans ce genre de jeu, ce qui permet de mettre l’album que l’on veut en fond sonore et donc de produire sa propre ambiance, dans ADOM on nous impose une atmosphère composée de musiques tantôt guillerettes tantôt froides voire stressantes, mais toujours d’une qualité irréprochable. La musique de la découverte d’un autel d’une déité est particulièrement réussie.

Pour un jeu de ce genre il très complet, les amateurs de Minecraft s’y retrouveront dans la possibilité selon les Skills de cuisiner, de fabriquer et améliorer ses propres armes après avoir pris le temps au préalable d’obtenir progressivement des minerais de fer, de mithril, d’adamantium ou d’eternium, ou encore dans l’opportunité de pratiquer l’alchimie ce qui est très utile mais dangereux d’autant qu’on ne connait pas les recettes... Les classes et les races sont nombreuses et bien distinctes : on passe du Troll Paladin au Gnome Assassin en passant par l’Elfe millénaire Nécromancier et l’Orc Fermier. Notre background dépendra de ce choix de départ et on pourra obtenir ses talents en fonction de question que l’on nous pose au début (aléatoires), nos réponses mettront en avant notre état d’esprit : plutôt bourrin tant dans la force que dans l’esprit, plus fin privilégiant les parchemins aux grosses armures ou tout simplement avide de reconnaissances et de richesses !

Terinyo le village du début de l'aventure

Je n’ai pas parlé du scénario, il n’invente pas le sable mais a le mérite d’augmenter la tension du jeu et nous propose souvent pas mal de quêtes secondaires parfois très intéressantes. L’objectif principal est de fermer le portail du Mal responsable de la tripoté de monstres qui ont envahie les terres d’Ancardia et surtout responsable de la corruption du bien !

Tout au long du jeu on va recevoir des corruptions aléatoires qui vont nous rapprocher du chaos, ces corruptions sont amusantes autant que contraignantes : fait pousser des cornes sur la tête nous rendant plus puissant en corps-à-corps mais aussi plus laid ce qui augmente le prix des objets dans les magasins, rend notre peau et notre chair malades : de temps en temps des vers dociles sortiront de notre corps pour attaquer les ennemis, développe des tentacules devant notre bouche ce qui nous empêche de parler et donc de lancer des sorts etc… La tension augmente car la fréquence de l’apparition des corruptions augmente avec le temps : passé la barre des 90 jours de jeu (1 tour = 1 déplacement = 30 secondes de jeu) la fréquence est doublée, il faut donc se dépêcher ! De même, plus on s’enfonce dans un donjon plus cette fréquence augmente et au bout d’une vingtaine de corruptions on perd la partie se transformant en créature du chaos.

Je parlais d’originalité, un exemple, dans un des niveaux du donjon principal, on se retrouve dans une zone jonchée de cadavres d’ennemis, ceci est dû au cri effroyable d’un monstre unique le Banshee : un fantôme jeune mariée qui par son cri strident tue directement quiconque s’en approche. Voici sa description :

“The banshee, a luminous spirit, manages to appear sad and angry at the same time, obviously a being in an enraged lamentation. Her wail is renowned as it is filled with such sorrow and hopelessness that most who hear it abandon life instantly, passing beyond their current pains.”

Il faut savoir que dans ce jeu, de temps on temps on trouvera des ruches d’abeilles, après les avoir tués (je sais c’est mal), on peut obtenir du miel, ce miel on peut s’en mettre dans les oreilles ce qui nous rend sourd et nous permet de défaire le Banshee sans encombre.
Autres originalités : les fins multiples : on n’est pas obligés de refermer la porte du chaos, je n’en dit pas plus.

Les morts sont aussi nombreuses qu’originales, on peut bien sûr mourir de faim/noyé/par point de vie à 0, mais on peut aussi mourir après avoir lu un bouquin trop compliqué, en apprenti alchimiste produire une explosion saisissante autant que dévastatrice ou recevoir l’éclair de notre Dieu pour l’avoir particulièrement courroucé etc… La religion comme dans tout rogue-like est primordiale, les sacrifices sur les autels sont monnaie courant et le respect de notre alignement ne doit pas être pris à la légère.


Je conclus, ce jeu est très très difficile. Il réclame vraiment un important investissement de soi pour en venir à bout, je me suis tout le long servi du wiki de ce jeu pour en savoir plus (plus de 1300 pages !) et il est vrai qu’au premier abord le jeu semble rébarbatif car les première zones proposées sont des donjons dotés du même environnement (bien que de structure aléatoire) et du même type d’ennemi (les monstres plus puissants apparaissent au fur et à mesure que notre personnage devient plus fort). Mais en persévérant on voit enfin la grandeur du jeu. Ce jeu a deux difficultés majeures : sa durée il faut au moins 25 heures de jeu (en jouant rapidement) pour le défaire, 25 h de jeu sans mourir ! et l’enchaînement de ces événements. Il faut découvrir la chronologie des lieux dans lesquels on peut ou on ne peut aller, le problème étant que cette chronologie n’est absolument pas linéaire ! Il faut donc faire des tests.

Patience, persévérance et passion sont les caractéristiques clefs pour avoir la possibilité de prendre du plaisir à jouer à ce jeu gratuit autant que passionnant.

samedi 7 décembre 2013

Lettre d'une inconnue nouvelle de Stefan Zweig (1922)





C'est l'histoire d'une adolescente, d'une femme, puis d'une mère dont le chemin de vie n’est nourri que par une seule chose : l'Amour. Entendons-nous bien, rien d’autre n’a de valeur, nul ne compte, tout est négligeable et négligé en comparaison à cet amour voué à un être placé au rang de quasi divinité. Car même si l’amour donne des ailes et qu’il permet d’atteindre l’être chéri monté sur un piédestal irrationnel autant que pharaonique, la chute bien qu’effroyablement dure à encaisser, doit permettre de reprendre peu à peu des points de repères réels et d’aller de l’avant.

Or, la passion est telle, que cette descente n’atteint jamais le sol, l’espoir subsiste continuellement, minuscule et irrépressible. Rendez-vous compte, consacrer sa vie entière à une seule et même pensée. Rien d’autre. Un véritable sacrifice, qui va bien au-delà de toute ardeur saine, tout cela afin de jouir d’une affection partagée qu’elle ne pense même pas méritée. L’œuvre est lourde dans ce que l’auteur nous révèle de la personnalité de cette femme car elle désire un amour utopique. Elle aimerait de toute son âme que sa passion soit partagée, mais sans qu’il n’est à changer, à évoluer. C’est un écrivain volage, multipliant les conquêtes, les aventures et elle ne souhaite pas qu’il change pour elle, bien que son amour la dévore complètement. Elle est terriblement complexée. Elle ne vit plus pour elle mais pour lui et ce transfert, qui se développe au fil du temps, sous le joug de son amour, la dépossède complétement de sa valeur, elle n’est rien face à lui. Ce n’est pas qu’elle doive accepter son comportement superficiel, c’est qu’il faut qu’elle change pour ne pas avoir à le changer, elle doit être à sa disposition. Un être comme elle, ne mérite pas d’influencer la vie de cet homme, quitte à en subir les peines les plus dures. Finalement, c’est comme si elle ne méritait pas de l’aimer, qu’elle ne méritait même pas de consacrer sa vie pour lui.


Cette œuvre est une nouvelle enchâssée, ce n’est pas seulement une lettre de cette amante pour cet écrivain, mais aussi une introduction qui nous permet de connaître l’état d’esprit et de situer le contexte de celui pour qui la lettre est destinée, ainsi qu’un paragraphe final et concis, nous rassasiant quelque peu de la réaction du principal objet de cette aventure. On a donc à la fois l’évolution de l’état d’esprit de l’auteur de la lettre et celui de l’homme aimé.

Bien sûr, Stefan Zweig aurait pu ne mettre que la lettre, nous laissant ainsi à la fin dans une situation de frustration car jamais nous n’aurions su l’impact qu’elle a eu. En revanche, notre liberté d’interprétation aurait été totale. Les fins ouvertes sont frustrantes et succèdent le plus souvent à un pincement au cœur particulièrement virulent, mais la frustration est une émotion tellement forte que l’artiste a finalement réussi son coup, car il a su faire naître en nous une émotion puissante à l’égard de son œuvre. Stefan Zweig, en fin manipulateur de l’émotion, nous offre une prémisse de la réaction de l’homme. Il a pris le parti de nous présenter par ce dernier paragraphe sa vision plutôt que de nous laisser complètement dans le vague.


Une question se pose, est-ce que l’amour sans limite qu’à cette femme pour cet homme est un amour pour ce que cet homme est réellement, elle qui le connait si peu, ou est-ce de l’amour envers le concept d’amour ?

On aime pour être aimé en retour, c’est de l’égoïsme, le rejet de l’être aimé est une véritable claque envers l’ego qui a besoin de se sentir aimé pour s’épanouir. Mais si le rejet n’a pas d’influence, est-ce que cette femme n’est pas amoureuse de l’amour ? De l’idéalisation irréelle qu’elle en fait ? L’amour est cet homme, on peut penser qu’elle aime cet homme, on peut aussi penser qu’elle aime l’amour que représente cet homme, ce qui est bien différent. Elle ne peut éloigner ses pensées pour cet homme, car si elle se tournait vers une nouvelle direction, ce serait comme si elle mettait l’amour de côté et qu’elle pouvait vivre sans. Or, elle y est absolument attachée.

Je sais que cette hypothèse peut sortir de l’idée que l’on peut se faire de cette nouvelle et pendant sa lecture à aucun moment je me mis à penser ainsi. Pourtant, plus j’y pense plus je me dis que, comme tout autre raisonnement,  cette vision est valable.


SPOIL : Lorsqu’elle a un enfant de lui, l’amour qui enflamme son cœur se déporte progressivement vers son fils et donc dans le même temps s’éloigne de lui. Elle n’aime pas vraiment son fils, elle aime ce qu’il représente, cet enfant symbolise l’amour qu’elle donne et qu’elle reçoit en retour. Le concept d’amour qu’elle ressentait au plus profond de sa chair pour cet homme, s’est matérialisé sous une nouvelle forme, celle de son fils. Mais cette représentation n’est qu’une pâle copie de l’originale et elle finira par se tourner vers l’objet premier de ses désirs car il représente la découverte première de l’amour. (fin SPOIL)

En ajoutant l’idée qu’elle a une passion pour l’amour en tant que concept à ce que je disais au début : « Finalement, c’est comme si elle ne méritait pas de l’aimer, qu’elle ne méritait même pas de consacrer sa vie pour lui. », c’est comme si je disais que ce qu’elle ressent, c’est de ne pas mériter l’amour réciproque de manière générale. Elle ne s’attribue pas suffisamment de valeur pour vivre un tel bonheur. C’est l’amour qui l’a frappé si jeune qui a induit le complexe de ne pas mériter d’y avoir accès. Par idéalisme, sa découverte de l’amour n’a pas pu s’accompagner de la possibilité de le vivre. A moins, que finalement elle ne préfère l’amour qu’au stade fantasmé.

samedi 30 novembre 2013

Description du reportage d'Envoyé spécial sur ces Hongkongais qui vivent dans 1m²






http://www.youtube.com/watch?v=Wr0Mxavwx4g
A voir !
Hong Kong, ville la plus riche et la plus peuplée de Chine, possède son propre système politique, densité 6 405 habitants/km² (64 fois plus qu’en France), mais surtout (et c’est le sujet de cet article) la ville abrite en son sein plus de 170 000 personnes qui vivent dans des « logements » de 1m² !

Ces placards possèdent un loyer compris entre 100 et 200 euros ! Certains habitants y vivent depuis 40 ans. L’aide minimum est de 270 euros par mois et un 10m² coûte autour de 400 euros. Ces lieux de 1m² transforment profondément leur habitant, leur octroyant une vie totalement en marge de tout, par manque de fenêtre et de possibilité de payer le métro, ils sont enfermés dans la même zone et vivent jour après jour la même vie. Dans 10 m² il peut y avoir 6 voire 7 logements, il n’y a pas d’intimité possible et les dialogues entre voisins sont très rares. La modification dans l’esprit est telle que les individus s’habituent à ce mode de vie, perdent tout espoir de vivre ailleurs et pensent que leur vie est normale. Ils sont enfermés dans leur monde, extérieurs à toute réalité ils tournent en rond dans leurs pensées, on n’est plus dans le rationnel mais dans l’ordre des sensations, ils sont un peu comme des légumes qui réfléchissent sans réfléchir. Ils se laissent aller à voguer journée après journée, nuit après nuit. Ils sont tellement enfermés qu’ils n’ont plus le recul nécessaire pour se dire de quitter cette ville pour vivre ne serait-ce que dans une cabane à la campagne. Car dans ces placards, l’air est irrespirable, l'isolation phonique est inexistante et il fait extrêmement chaud. Évidemment ces locaux sont illégaux mais le gouvernement ne sait que faire, sachant que s’ils virent leur occupant,  ces hommes et ces femmes se retrouveront dans la rue.

Hong Kong est le temple de l’illusion pour les plus pauvres, une grand-mère et ses 2 petits-enfants de 5 et 8 ans vivent dans 4 m². Leurs parents travaillent en Chine et préfèrent qu’ils vivent à Hong Kong car ils pourront réussir plus tard une carrière professionnelle. Les rêves de ses enfants ? Vivre dans les immeubles sociaux d’en face de 10m². Et entre les placards et les immeuble sociaux, il y a les buildings luxueux occupés par les hongkongais les plus fortunés. L’écart de richesse et de condition de vie est considérable et effarant. Une vie dans un 1m², c’est s’habituer à ne plus vivre et à souffrir de dépression toute sa vie. En fait souffrir de dépression c’est au début, à la fin ces êtres humains sont au-delà de ça, las de se poser des questions comme : « Suis-je heureux ? »
La morosité devient la norme et elle n’est donc plus source de souffrance car elle est habituelle.

Pour en donner une idée, ce sont des placards de 60 cm sur 1m50 environ où il n’y a même pas la place de s’allonger, dans le pire des cas il n’y a ni lumière ni électricité, sauf dans la salle de bain et cuisine commune, cette dernière n’étant pas toujours présente. Que dire de plus ? C’est juste fou ! 170 000 personnes ! Dans 1 m². L’effet est comme une drogue ou un hallucinogène. Vivre ainsi ronge en profondeur et change du tout au tout le comportement d’un Homme. Le niveau d’aliénation est extrême ! En théorie, ils sont libres mais en pratique, on ne peut faire pire. Ils restent des heures et des heures à ne rien faire, prenant toujours les mêmes repas, passant dans les mêmes endroits. La solitude y est infâme ! Ils ne parlent absolument à personne. Ils attendent juste la mort car ils n’ont plus d’autre but.

vendredi 29 novembre 2013

She's so lovely film de Nick Cassavetes (1997)

La mine bien réjouie d'avoir fait n'importe quoi.


Conclusion :
J’a-dore Sean Penn ! Il a trop la classe ! Le voir dans un registre de gros malade mental, hyper violent et hyper doux en même temps. Dans des situations totalement incongrues voire what the fuck c’était bien cool et assez surprenant. Me suis bien poilé. Le film se place sous deux registres bien distincts : une folie particulièrement brutale et une folie drôle car décalée. Ah sté cool ! J’ai bien ri ! La première partie j’ai moins adhéré mais alors la seconde ! Je recommande !

On peut alors se poser une question : qui sont les executive producers (les producteurs quoi) ?
Ah ah ! vous ne devinerez jamais ! C’est Sean Penn, John Travolta et Gérard Depardieu ! AH HAHAHAH ! C’est bon ça ! René Cleitman le producteur français a aussi participé à l’effort financier afin que ce métrage puisse voir le jour. Comme quoi les français croyaient au pouvoir de cette œuvre assez loufoque.

Bon ça c’était pour l’intro. Mon propos sera décousu comme l’esprit tordu de tous les personnages de cette folie pensait par Nick Cassavetes.

Les individus ayant participé à ce film ont juste avant passé l’épreuve de la maison qui rend fou ! (trois fois !) La quoi ? Mais si Partoutatis, c’est l’épreuve des douze travaux d’Astérix ! Celle ou Obélix devient totalement jobar !
J’aimerais rentrer dans les détails, mais je ne peux pas sans déflorer…

Alors voilà je vous le conseille pas pour les premières 45 minutes mais pour les secondes !
Les trois derniers quarts-d’heures sont fumants de bonne idées ! Non vraiment ya pas un personnage pour rattraper l’autre, les personnages qui semblent sains d’esprit vacillent progressivement dans les tréfonds d’une nouvelle norme, illogique autant qu’irrationnelle, on voyage très loin et l’alcool omniprésent est un coup de pouce à une succession de scènes qui finissent par partir dans tous les sens.
Vala vala.

Dune 1 de Frank Herbert (1965)




Frank Herbert en plus d’être un romancier et nouvelliste de Science-fiction américain est un psychanalyste Jungien et cela peut être facile à dire comme ça, mais ça se ressent vraiment dans ses textes. Sa formation de psychanalyste lui a donné les armes pour se différencier d’autres écrivains et développer son propre style d’écriture, un style très personnel et radicalement différent dans certains champs de ses récits.

Partons du champ si bien abordé par Herbert,  celui de la pensée. Il s’en sert tout le temps et de manière magnifique et fascinante. Pour simplifier, admettons que Dune soit composé de deux sous-ensembles s’entrelaçant : une partie récit et description et une partie dialogue. Cette dernière est un bijou qui permet de nous faire ressentir une grande palette d’émotion car magnifiée par les pensées extrêmement développées des protagonistes du dialogue en cours.
En fait chez Herbert, un dialogue correspond à 50% de paroles et 50% de pensées donc de non-dits et c’est grâce à ces non-dits qu’il joue avec nous. Car nous savons ce que pense les personnages, on sait quand ils mentent, quand ils savent que l’autre ment, quand ils mettent en place une stratégie pour tirer des informations de l’autre. Cette exploitation de la pensée offre des possibilités infinies de situations qui pourront entrainer chez nous des sentiments qui nous feront rentrer dans l’histoire sans nous laisser la possibilité d’en sortir, le texte nous absorbe complètement.

Cette méthode fonctionne d’autant plus, que le registre est soutenu et que l’atmosphère globale de l’œuvre est froide et très contrôlée. Aucun de ses personnages ne se laisse aller à l’émotion brute, à des actions irréfléchies car cela serait signe de faiblesse et cela signifierait le plus souvent la mise en danger d’autrui, tant chacun compte sur l’autre et donc tant les responsabilités sont grandes. Jamais on ne verra un individu qu’il soit jeune ou vieux se mettre à rire, s’il rit ce sera un rire intérieur qui se traduira par un aspect corporel extérieur minimaliste : un léger sourire par exemple. Ainsi donc, comme le flegme et la froideur sont omniprésents, ce sont les pensées qui remplacent les comportements spontanés, qui rendent les personnages tout simplement plus humains.

Prenons un exemple, un dialogue est en cours entre deux personnages représentants de deux clans bien différents, ils représentent à la fois l’image et les intérêts de leur civilisation. Le registre se veut donc soutenu, les paroles sont longuement préparées et analysés avant d’être déclarées. Vu de l’extérieur, on a l’échange audible entre deux chefs, mais sur le plan de l’esprit, nous lecteurs comprendrons qu’il y a une évolution dans la sympathie qu’à un protagoniste envers l’autre, et ceci est terriblement fascinant. Les deux personnages se jaugent, abordent des sujets pour piéger l’autre et voir comment il va s’en sortir, s’il s’en sort bien, c’est-à-dire soit d’une manière similaire à comment aurait réagi celui qui a tendu le piège, soit d’une manière surprenante, le testeur n’ayant pas envisagé cette possibilité, les personnages se rapprocheront. A la suite de cet échange, même s’ils ne le montrent pas, nos deux protagonistes ont une grande admiration l’un pour l’autre et sont sur la même longueur d’onde, la confiance, base de tout, a pu s’installer. Dans ce cas de figure on va se mettre à avoir de l’empathie pour les deux personnages et en plus, on se sentira comme privilégier d’avoir pu connaître ce qui se passaient dans leur tête. Leur amitié nouvelle ne correspond pas à deux personnes mais à trois car on a été inclus par l’auteur dans cet échange.

Admettons maintenant que l’échange se déroule de la même manière mais sans que la confiance s’installe, c’est-à-dire qu’au moins l’un des deux personnages aura été dans l’incapacité de lire entre les lignes pour comprendre que la confiance pouvait régner. Grâce aux pensées qui nous sont décrites par Herbert, on sait que les deux personnages partagent les mêmes intérêts, mais comme ils restent au stade de sous-entendus, l’échange et ses conséquences resteront superficiels voire décevants. Ce qui entrainera alors en nous la frustration, car on sait que c’est deux représentants pourraient s’allier et s’assurer pour eux et leur tribu un avenir meilleur, mais par une certaine pudeur, un flegme trop prononcé, rien n’aboutira.

Dernier exemple, l’échange se passe mal, les deux s’en rendent compte mais ne le montre pas ouvertement, seule une tension s’installe, on ressentira alors nous-même cette tension, on se prendra aux jeux de l’agressivité par la parole, grâce à des stratégies où chacun des deux personnages tentent de mettre mal à l’aise l’autre, vis-à-vis des autres individus présent à la table par exemple. Au lieu de défendre de manière directe par des arguments ses attentes, le personnage par le sous-entendu va faire que d’autres personnages se mettent dans son camp, c’est une guerre des nerfs où les coups bas visant à faire perdre le calme de l’interlocuteur  en face sont monnaies courantes.
Et dans ce dernier cas, la tension sera tellement palpable et les personnages ayant de mauvaises intentions seront tellement réduits à néant juste par le sous-entendu, que cela sera extrêmement jouissif pour nous. Encore plus d’ailleurs que si des arguments visant à faire perdre contenance avaient porté leurs fruits.


Pour moi cet aspect de la pensée, de l’analyse, du contrôle des émotions est l’aspect qui rend singulier le style d’écriture de Frank Herbert. A côté de cela, pour l’écriture de cette œuvre incroyable, on a six années de recherche et d’écriture de notre écrivain. Six années à en apprendre plus sur la vie dans le désert, ses conséquences pour les organismes vivants et ses phénomènes, ce qui engendre un récit très riche et réaliste.

Arrakis, planète où se déroule la trame est aride autant dans son climat que dans les échanges entre êtres humains. Y vivre étant tellement dur que la vie humaine perd de son importance et donc que la mort d’un être humain est vécue comme l’occasion d’obtenir un peu d’eau (le corps humain étant composé à 70% d’eau). Les descriptions des paysages ne sont pas très développées, il n’y en a jamais pour des pages et des pages, par contre elles sont très précises avec des mots bien choisis. Ceci améliore encore l’immersion dans ce monde.


Dernier point qui m’a beaucoup marqué, c’est qu’Herbert choisi la simplification et c’est une très bonne chose. On est dans un univers avec des vaisseaux spatiaux où le voyage de planète en planète est courant, composé d’armement extrêmement sophistiqué, bref de technologies très avancées et à côté de cela, les animaux, les végétaux, la nourriture sont souvent la même que dans notre monde à nous : ainsi ils boiront du vin, mangeront de la poule, verront des aigles dans le ciel etc… Ceci sont des points de repères très évocateurs pour nous rendant la trame peu compliquée à suivre mais qui ne nous empêche pas de nous immerger dans cet univers, car des langues ont été inventé, des classes, une nouvelle religion, des capacités extra-sensorielles font leur apparitions telle que la télépathie etc…

Dune 1 est une œuvre à lire, même un individu pas spécialement porté sur la science-fiction pourrait passer un très bon moment, car ça se lit très bien et la trame est particulièrement prenante. Le cycle de Dune comprend sept œuvres, mais on peut très bien s’arrêter à celle-ci, ce n’est pas vraiment gênant, bien sûr, si l’œuvre vous a particulièrement plu il est presque impossible de ne pas céder à la tentation de lire la suite, ce que je fais en ce moment.