jeudi 12 septembre 2013

Debbie de Damien Saez (2004)



Avant l'écoute de cet album, j'avais un peu peur d'écouter du Saez, je connaissais comme tout le monde Jeune et con, que j'appréciais relativement, mais après le reste me faisait flipper, j'avais l'impression que c'était un pauvre jeune en souffrance, tout triste et qu'il en faisait des caisses. Sincèrement, je ne m'attendais pas à ça, quelle surprise !

Je sais bien que cet album, Debbie, n'est pas très représentatif de sa musique habituelle, je l'ai choisi car sur Rate your Music, un site très complet, il disait que c'était un album de Rock Alternatif et de Post-Rock. De Post-Rock ? Damien Saez ? Allez rien que pour ça je l'écoute !
Il n'est pas évident de définir le Post-Rock, je vais tenter de le faire. Je trouve que c'est un genre très intense, très prenant instrumentalement par une recherche d'un renouveau de la musique. On expérimente à partir du rock, c'est-à-dire à partir d'une batterie, d'une basse, d'une guitare ou plusieurs, d'un synthé et souvent d'autres instruments : violon, saxophone, percussions etc..., de longs morceaux sur un rythme souvent lent mais patiemment puissant, sans forcément de voix. On décolle de la Terre pour accéder vers des horizons nouveaux. On voyage et c'est très dépaysant. Très poignant aussi, du début à la fin de l'album, le son ne nous lâche pas, on est retourné de nombreuses fois jusqu'à perdre la raison. Les émotions perçues sont dures et incroyablement réalistes. Le ton n'emprunte pas une tournure légère mais au contraire, sérieuse, agressive, dépressive, révoltée, c'est à chaque fois une remise en question de nous-même, on nous pousse dans nos derniers retranchements. On nous fait voir, ce que l'on ne montre pas aux autres et qu'on a du mal à accepter soi-même, mais qui est pourtant en nous. Chacun percevra des choses en-lui différentes et qui varieront  selon son état d'esprit. Cette musique est souvent très harmonieuse, limpide. Chaque groupe de Post-Rock joue sur un registre différent, touchant une nouvelle corde sensible. Il peut être noir et brutal ou alors reposant, lumineux, positif.

Bon, pas de surprise, cet album n'est clairement pas du Post-Rock, dommage. Saez a de grandes capacités musicales, après une dizaine d'année au conservatoire, il obtient son diplôme à 18 ans après avoir écrit de nombreux textes. Il n'est donc pas dans le milieu de la musique pour rien. Lors de la diffusion de cet album il en a 27, après avoir sortie deux premiers albums plutôt accès Pop Rock/Chanson française, il a une réputation chez les adolescents et jeunes adultes de chanteur engagé, il n'hésite pas à critiquer la société, à pousser la jeunesse à la révolte. Lui, raconte qu'il ne sait pas ce que signifie être un artiste engagé, il se considère plutôt comme un artiste révolté. Il passe donc au rock, genre qui se prête bien aux chanteurs rebelles et nous propose son œuvre.

Dès le premier morceau, on a une idée explicite de l'enregistrement global. Le ton est donné avec Debbie, une voix cassée, un son rejetant, des paroles noires et tristes, il fait un peu penser à Brel, le morceau passe de l’accalmie à un rythme rock, le contenu est négatif, cynique, exaspéré : profite encore, tant que tu vis. Instrumentalement, c'est correct, ça n'invente pas la poudre, mais ça reste entraînant. Mon gros problème, c'est cette voix qui ne veut pas laisser le son s'échapper, il garde le tout dans la gorge, ça donne un rendu très juvénile, il cherche clairement à toucher un public jeune. Il y a peu de variation dans sa voix et on sent qu'il en a pas trop sous le pied, ce n'est pas une grande voix puissante, il manque de coffre. L'autre problème, que l'on retrouve un peu dans tous les morceaux, c'est les paroles bien trop accès premier degré : "tu ne vois pas le vide devant toi ?" dans En travers les Néons. Il n'y a pas de subtilités, c'est toujours sur le même registre. Ce que je craignais alors, se réalise. C'est trop dans le spleen, trop dans la colère, trop lourd et sans la moindre nuance dans le contenu.

Parfois la voix change, il passe à une voix plus haute (Céleste par exemple) et là c'est à la limite du  supportable, ça fait penser à du Mylène Farmer et puis il chante faux. Il chante comme un garçon en train de muer, je vous remercie c'est très agréable. On dirait qu'il va se défenestrer pendant l'enregistrement.
Il est dommage que cela manque de teintes, car les paroles sont poétiques et parfois plutôt inspirées, pas dans J'hallucine mais dans Clandestins par exemple :
"Alliés ,là dans l'ombre
Tu éclaires
Dans les draps de satin soir
Etaient nos nuits blanches.
Toi, tu m'ouvrais la voie,
Moi, je cambrais les hanches.
Au brûlant de la peau,
Au puissant des parfums
De la sueur et de l'autre "


Le début de Marie ou Marylin est clairement pompé de Ces gens-là de Brel. Brel c'était intense et fin, la vie est dure mais il l'ironise :
"D’abord, d’abord, y a l’aîné
Lui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nez
Lui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qu´y boit
Tellement qu´il a bu
Qui fait rien de ses dix doigts"

Il trouve ainsi le moyen de bien appréhender ce que tout le monde voit, puis fuit. Il se contente de vivre simplement, il prend le temps d'imprimer son rythme, un rythme lent qui cherche à nous torturer. L'homme est un merveilleux comédien, le ton est parfait, il tremble de rage quand il chante.
Chez Saez, on dirait un ado en train de piquer sa crise, qui cri de rage parce qu'il ne peut pas faire ce qu'il veut à cause de ses parents. C'est ridicule et pathétique. On ne peut rien ressentir car même si on est touché par la première phase des morceaux, lente et presque parlée, tout retombe avec les secondes parties présentes chez quasiment toutes les chansons, avec un rock quelconque, juste énervé, qui fait du bruit histoire d'en faire, faisant un peu penser à Un Homme Pressé de Noir désir. Mais là, c'est pareil, il y a de l'humour dans la chanson de Cantat : "Je suis un militant au quotidien de l'inhumanité", par l'exagération du trait.

Parfois, le chœur instrumental est sympa comme dans Autour de Moi les Fous, ou assez original dans J'hallucine. Mais ça ne suffit pas.
Il semble dans ses textes dénoncées des faits de société, surement le côté "chanteur révolté" en lui. Mais, il n'y a jamais de fond dans ses critiques : "des mangas à la con", "l'infantilisation au service du pouvoir, au gré des élections, c'est la prostitution." Oui d'accord, et ? Plus rien. Il part sur des métaphores et ça c'est honteux ! Il est révolté pour être révolté. Lui-même le dit : "Les données du système moi je n'y comprends rien". Puis, il s'en prend à la nature humaine, donc cela signifie qu'il n'y a rien à faire. A la manière d'un Vincent Cheynet (Domi pour les intimes), le rédacteur en chef de la Décroissance, il prend un plaisir malsain à tout critiquer et prend encore plus de plaisir en disant que de toute façon il n'y a rien à faire, on ne peut vivre heureux dans ce monde ou dans n'importe lequel d'ailleurs. Mais on doit tout de même s'efforcer de vivre. Au secours !
Dans le même registre Marta, commence par un piano genre funérailles, larmoyant et sans recul, j'ai du mal à adhérer, cela pourrait être beau, mais c'est juste épuisant : "Dit pourquooooiiii Martaaaaa". Mais faîtes le taire bon sang ! Et apportez-moi un seau ! L'émotion ça ne s'invente pas, il faut être sincère et simple. Il se prend pour qui ? Franchement.

Damien Saez c'est le chanteur engagé du simple d'esprit. Il ne cherche pas à démontrer les problèmes du système, qui sont omniprésents, mais qu'il est infoutu de décrire (sauf si dire qu'il y a des gens qui ont faim est suffisant). Il est toujours dans le registre de la persuasion, mais jamais dans le convaincre et comme il est difficile de ressentir de l'émotion, car il en fait beaucoup trop, on ne peut être touché par "ses idées politiques". L'écouter est un véritable calvaire. Je vois bien un de ses fans dirent : "Saez, il est hyper sensible, il traite de chose super dure comme le viol, l'émotion transparaît dans sa bouche !" Mais soyons raisonnable deux secondes, ce pauvre gosse est juste mal dans sa peau, il aurait besoin d'une bonne thérapie ou il devrait suivre des assemblées collectives de pensées positives.

Et dans ces cas-là, je me pose toujours une question : Quelle a été sa vie pour avoir des pensées aussi sombres ? Comment se fait-il qu'il soit à ce point blasé de la vie ? Un peu à la Benjamin Biolay d'ailleurs. Je veux dire ce mec-là, il a maintenant 36 ans, il est millionnaire, vît de sa passion, habite surement dans le pays au monde, où il y a le plus de soutiens sociaux : santé, minimum vieillesse, RSA, a vécu toute sa vie en France sans souffrir une seule fois de la faim et pourtant, il pense toujours ainsi. Il refuse de grandir, surement comme beaucoup d'artiste, mais là c'est extrême. Il préfère rester un éternel adolescent, à se plaindre des mangas, tout en mettant à la fin du même album, une chanson en japonais traitant des cerisiers, cerisiers que l'on peut voir dans un manga sur deux entre nous soit dit. Il préfère sortir une chanson à chaque élection présidentielle (Fils de France, Jeunesse Lève-toi) sans la moindre critique de la société, plutôt que de développer sa pensée, en lisant par exemple, puis en nous faisant parvenir son émancipation au travers de ses textes.

Enfin, il y a bien une évolution à travers les titres de Debbie, les deux premiers morceaux sont supportables, par la suite il n'est jamais dans le gris mais toujours dans le noir obscur. Au fil des morceaux, il perd en crédibilité, on ne peut plus le prendre au sérieux, il m'est d'ailleurs arrivé de rire nerveusement en l'écoutant. Je veux dire, tu peux être endeuillé, sans être à ce point au fond du trou. En parlant de trou, il a une trouille bleue de la mort, il l'évoque à Debbie dans le premier titre et craint sa propre mort dans le dernier (Tu y crois).
Puis sa voix bon sang ! On a le choix entre Bruel à 13 ans et Mylène Farmer de bonne humeur (dans les aiguës, plus rare), alors merci.

Debbie de Damien Saez sortie en 2004 aurait été un album correct s'il avait été essentiellement instrumental, voilà ma conclusion.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire