mercredi 25 septembre 2013

Quelques informations sur François Truffaut et Antoine Doinel (1959 à 1979)



C'est grâce à quelques petits extraits documentaires et aux films sur Antoine Doinel de François Truffaut, que j'ai pu tirer ces informations. Je n'apporterai que de nouvelles données et ne parlerai pas des films à proprement parlé, mais plutôt de l'envers du décor.

On commence donc cette petite aventure en 1959, avec Les 400 coups premier film sur Antoine Doinel, qui sera toujours joué par le formidable Jean-Pierre Léaud (JPL).
Il est le fils de la comédienne Jacqueline Pierreux et du scénariste Pierre Léaud, il est donc plongé depuis sa petite enfance dans ce milieu, ayant ponctuellement vu quelques pointures du cinéma français.




On voit lors d'une audition ce dernier, alors âgé de 14 ans.  Déjà à cette époque, il a la langue bien pendue, il a une désinvolture frappante pour son âge, surtout dans un contexte tel qu'être devant des caméras. Il n'a pas peur. Il le dit lui-même, il préfère sécher l'école et venir à l'entretien ! Car, seul son bonheur compte et il met tout en œuvre pour l'atteindre, quitte à ne pas respecter quelques règles. Il est très à l'aise et spontané, il bluffe Truffaut par ses facilités de comédiens. Cette comédie qu'il apprend un peu dans son école, mais surtout qu'il maîtrise déjà assez bien de manière innée. Dans ces bouts d'essais, on voit aussi Patrick Auffay qui joue le petit René dans le film, l'ami d'Antoine. Il est grisant de voir Patrick et Jean-Pierre si naturel devant la caméra, surtout quand il discute tous les deux spontanément de leur avenir, qui sera peut-être dans le cinéma. Enfin, on voit un certain Richard Kanayan en train de nous faire une démonstration vocale tout à fait prodigieuse.

On revoit JPL au festival de Cannes la même année, il explique que le film l'a aidé à murir, que son état d'esprit a bien évolué entre le début et la fin du long métrage. Il ne regarde plus une œuvre cinématographique juste pour voir des images passées devant ses yeux, maintenant, il est capable de la juger.
Il raconte qu'il s'est beaucoup investi durant le tournage et que pour la première fois de sa vie il a pu s'exprimer comme il le voulait, c'était ce qu'il lui tenait à cœur, il en sentait le besoin. En cours, il raconte qu'il est mauvais élève car ça ne l'intéresse pas, il l'assume d'autant plus que le film reçoit un accueil fantastique.
Il est d'ailleurs porté en triomphe sous le regard bien veillant de Truffaut :



En 1961, Truffaut lors d'une interview, parle de lui et de son travail. Il définit la Nouvelle Vague comme étant un courant innovant et qui montre les problèmes de l'époque, son but via ce courant est de combattre l'ennui dans le cinéma. Plus jeune, il séchait les cours pour aller au cinéma, il pensait d'abord être critique, dans tous les cas il espérait travailler dans le 7° art. Il raconte qu'il n'a aucune expérience, il n'a pas pris de cours ni était assistant, son seul savoir lui vient du grand nombre de films qu'il a visionné, dont certains qu'il a vu 12 à 14 fois afin d'y analyser chaque détail, chaque solution trouvée, chaque technique employée. Dans la vie de tous les jours, il pense cinéma.



Il explique que ses deux oeuvres, Les mistons et Les 400 coups, ont été grandement inspirées de Jean Renoir. Truffaut admire ce cinéaste car il est selon lui le plus libre et le seul qui soit infaillible. Il l'est car il a toujours recours aux solutions simples, humainement faisables. Renoir a abordé de nombreux thèmes très différents, ce qui fait de lui une source de solutions quasi inépuisable. Truffaut explique que quand il se retrouve face à un problème, il réfléchit à comment Renoir aurait fait.
Radicalement opposé, Roberto Rossellini ne reculait devant rien, quand il avait une idée en tête, il se fichait de simplifier la scène, l'objectif étant de la tourner coûte que coûte. C'est Rossellini qui fut le premier à montrer les enfants tels qu'ils sont réellement et non comme des animaux, comme cela était souvent fait. Truffaut aimait l'indépendance et c'est pour cela qu'il affectionne les gens décomplexés à l'égard du cinéma comme ces deux derniers réalisateurs.



Tout en fumant, Truffaut raconte qu'il a été critique pendant 4 ans et que c'est un excellent travail sur soi. En effet, aimer les films et écrire sur eux, pousse à une toute autre gymnastique de l'esprit. Ce n'est plus une activité contemplative mais intellectuelle. Il dit d'ailleurs quelque chose d'extrêmement vrai : "C'est en racontant un scénario en 10 lignes que l'on se rend compte de sa faiblesse ou de sa force".

A regret, il dit qu'en tant que critique, il était bien meilleur pour casser un film que pour y trouver de bonnes choses.

Les 400 coups est un film pessimiste et autobiographique, il raconte à la fois la vie de Truffaut et celle de JPL, le film emprunte un peu aux deux personnes. En effet, le passage où Antoine est devant la psy est une totale improvisation de JPL, c'est d'ailleurs le seul moment qui n'est pas tourné en muet puis post synchronisé ; Truffaut, quant à lui, a tout comme son petit héros était enfermé dans un centre pour mineur délinquant. Le film est pessimiste selon Truffaut car il trouve l'enfance déprimante, par exemple un enfant qui casse une assiette, ce n'est pas une erreur mais une faute, ce qui est très dur à recevoir. On est stupéfait par la sévérité de l'éducation de l'époque, une instruction très stricte, douloureuse et caractérisée par un manque d'affection flagrant.

En 1962, sort Antoine et Colette nommé aussi L'amour à 20 ans, c'est la suite des aventures de Doinel. Un court métrage qui a été réalisé par cinq réalisateurs différents avec deux acteurs principaux différents à chaque fois et dans cinq pays : France, Allemange, Japon, Italie et Pologne.



Antoine alors jeune homme, découvre les joies de la Friendzone et l'incapacité d'en sortir. On apprend aussi, que les jeunes de cet époque (du moins certains) écoutaient énormément de musique classique. Le film est pas mal, mais bon loin d'être exceptionnel à cause de son manque de rythme, puis l'aspect pathétique d'Antoine est assez agaçant.


Le 6 février 1968 l'affaire Langlois fait polémique dans le cinéma français et même mondial.



Henri Langlois et son administration, créateur et président de la cinémathèque viennent d'être limogés sur ordre du ministre de la culture André Malraux. Les raisons ? Une administration fantaisiste (par manque de fond) qui est donc remplacée par des fonctionnaires. Eh oui, la cinémathèque française appartient maintenant à l'état. Les manifestations pour le retour de Langlois sont nombreuses où l'on peut y voir toutes les personnalités du cinéma : Jean Eustache, Belmondo, Truffaut, JPL, Godard, Alain Resnais, Jean Marais etc... Car l’État ne s'était pas rendu compte que Langlois était un symbole du cinéma et que s'attaquer à cette figure déclencherait l'embargo de tous les films qui devaient sortir, qu'il soit de France ou d'ailleurs, grâce aux pressions du siège de comité de défense des réalisateurs.



Ainsi après une semaine de manif rue de Courcelle, où les manifestants se sont retrouvés chargé par les forces de l'ordre, ce qui montre que l'Etat ne savait pas quoi faire, les sympathisants continuèrent le mouvement. Truffaut était l'un de ceux qui était le plus engagé, entre réunions, articles à diffuser dans la presse et organisations diverses, il ne passait pas moins de quatre heures par jour à s'y investir, malgré qu'il fut en plein tournage de Baisers volés. Daniel Cohn-Bendit précise que l’enjeu de ce mouvement va bien au-delà de ce qu'il adviendra de la cinémathèque.


Enfin, le 23 Avril, Langlois reprend ses fonctions et la cinémathèque devient indépendante de l’État. Nouvelle Vague comme ancienne génération, ce fut la première fois qu'il y eut une telle unicité dans tout le cinéma français.


On en arrive alors à Cannes, le 10 Mai 1968, où pour la première fois de nombreux films sont retirés. La raison : le soutien aux mouvements des étudiants contre la société. Truffaut, Lelouch, Godard et Milos Forman sont les seuls à vouloir arrêter le festival. En effet, pas un film ne montre les problèmes des étudiants ou des ouvriers, ce qui est un scandale, les affrontements avec les juges et certains spectateurs venus pour la première sont parfois assez musclés.



Finalement, le conseil d'administration décide l'arrêt du festival au plus grand désespoir de nombre de passionnés de cinéma.


Tant bien que mal, Baisers volés sort en 1968, du fait du contexte de tournage, une grande liberté d'improvisation a été laissée aux acteurs. Truffaut dit que le film est "un jeu que l'on joue quand on a le temps". Il précise qu'il ne s'agit en aucun cas d'un film engagé. Il est vrai que ce genre de film était à la mode à ce moment-là, mais Antoine Doinel est simplement un inadapté de la société qui fait de son mieux pour s'y intégrer. Truffaut raconte un fait étonnant : d'habitude lorsqu'il tourne une nouvelle œuvre, c'est pour deux ou trois raisons : l'envie d'adapter un roman, créer une ambiance nouvelle, faire jouer un acteur particulier. Pour ce film, une seule raison a été à l'origine du long métrage, l'irrépressible envie de jouer à nouveau avec JPL !
Je ne sais si c'est grâce à la liberté d'improvisation des acteurs, mais c'est mon film préféré des aventures de d'Antoine Doinel.

En 1970, sort Domicile Conjugal qui est accompagné d'un livre. Sa promotion y est donnée dans le cadre de l'émission Post-Scriptum conçue et présentée par Michel Polac. Ce livre, dont l'auteur n'est nul autre que Truffaut, est simplement le scénario de tous les opus des aventures de Doinel, avec pour bonus de nombreuses notes de tournage, des rectifications de dernière minute etc... Truffaut trouve que c'est un document utile aux étudiants ou a quiconque se prédestinant à une carrière de scénariste.



Enfin je termine ce dossier en décrivant un documentaire qui montre comment Truffaut, Bernard Revon et Claude de Crivay conçoivent un scénario, même 24h avant le jour du tournage !

C'est simple : ils possèdent un dossier avec différentes feuilles, des grandes comportant la trame principale et des petites notes, rappelant des problèmes d'incohérence à résoudre ou contenant des petites blagues qu'il serait sympa d'inclure lors du tournage, toutes les idées y sont ajoutées. En travaux complémentaires, ils font appel à des gens qui ont pour but de poser des questions à des individus de tous les jours afin de dénicher des idées nouvelles. Les anecdotes de la vie sont toujours bien meilleures que celles inventés. Ainsi, si Doinel doit jouer un fleuriste, près de 60 pages de notes sont récupérées à partir de l'interrogation d'un certain nombre de fleuristes qui donneront probablement des idées de dialogue ou de situation.


Pour finir, Truffaut, Revon et Crivay vont sur les lieux du tournage et pensent à toutes les difficultés : comment vont se faire les prises de vue, où sera le soleil à telle heure, comment le cameraman devra franchir tel obstacle pour filmer la scène de manière fluide etc... C'est un travail de longue haleine ou tous les détails comptent. Truffaut n'hésite d'ailleurs jamais, en hommage peut être à Renoir, d'aller toujours au plus simple, s'il y a trop de difficulté pour tourner une scène, il l'abandonne sans regret.

Sans rentrer dans plus de détail, l'épopée, le péri-périple Antoine Doinel s'achève en 1979 avec L'amour en fuite, un film qui regroupe beaucoup de scènes des films passés, mais qui reste tout de même sympathique à regarder.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire