mercredi 4 septembre 2013

Vivons heureux en attendant la mort (1983) de Pierre Desproges


J'ai terminé ce bouquin le 2 septembre et franchement c'est quand même magique Desproges. Il avait un style d'écriture tellement personnel, des tournures de phrases tellement originales et une capacité au cynisme telle, qu'il est vraiment jouissif de le lire. Régalez-vous de cet extrait savoureux :

"Mais... mais... bon sang, mais c'est bien sûr !
Et s'emparant d'une autre tranche moelleuse, il la
tendit à sa compagne qui n'était qu'autre que Marie Curry
créatrice de la sauce du même nom, et lui dit :

-Marie trempe ton pain, Marie trempe ton pain dans la sauce.

Ce qu'elle fit. alors, miracle, le jus bien gras fut aspiré
soudain par la mie que la jeune femme s'écrasa sur les lèvres
en lapant comme une bête goulue, et la bonne graisse vineuse
à la crème beurrée à l'huile de saindoux margarinien saturée
de vin chaud à l'alcool à bruler du père Magloire lui envahit
divinement l'estomac dont le joyeux cancer naissant n'en
demandait pas tant.

Jonathan Sifflé-Ceutrin venait d'inventer le pain pour saucer."

Cet exemple est assez révélateur de son œuvre : un livre mêlé d'absurde et d'humour noir, d'instants gras suivant des passages plus fins, avec des tournures dont lui seul avait le secret, un cynisme grinçant souvent violent, un vrai régal ! On apprend par exemple que l'on peut rire de tout, mais alors vraiment de tout et il donne des exemples fabuleusement horribles ou horriblement fabuleux. Il passe sans cesse du coq à l'âne, de l’ânesse à la poule, pour finalement s'intéresser exclusivement à l'Homme.
Pour avoir visionner un de ses spectacles, j'ai trouvé qu'on le reconnaissait tout de suite, mais à l'instar d'eux, il n'y a plus de longueurs qui apparaissent lorsqu'il est sur scène durant une heure et demi, mais le tout est très rythmé et son attention sur les choses de la vie est constamment renouvelé. Bref, on ne s'ennuie pas. 

Une pensée tout de même sur lui, il se moquait constamment du cancer et il en est mort à 48 ans, ironie du sort ?
Les deux dernières années de sa vie, il semblerait que sa femme et les médecins lui aient caché son cancer en phase terminale afin qu'il garde sa joie de vivre et qu'il continue la scène, mais il est clair qu'il devait se douter de sa situation, il parle du cancer, des tumeurs, des métastases tout le temps ! Surement y avait-il eu des cas avérés dans sa famille le prédisposant à cette fin.

Voilà, un peu comme le déroulement de sa vie (en tout cas ce qu'il montrait de lui), cet article commence sur un ton jovial et se termine sur une note triste. Il faut tout de même saluer le génie de cet homme unique en son genre qui me fait encore beaucoup rire.

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