mardi 8 octobre 2013

Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki (1997)




Comme beaucoup j’ai adoré ce film, seulement je ne peux m’empêcher de garder un goût amer. Je trouve que l’humain s’en sort trop bien.

Cette œuvre est une parfaite analogie de ce qu’il se passe partout dans le monde.
- Des Hommes ne cherchant qu’à assouvir leur avidité peu importe les conséquences : forgeurs qui souhaitent s’enrichir de manière infinie au détriment des autres Hommes et de la forêt.
- Des Hommes préférant continuer à détruire la biodiversité plutôt que de se remettre en question : à aucun moment la population de la forge s’imagine qu’il pourrait vivre en harmonie avec la forêt : la question est posée par notre héros, Hashitaka, et reste toujours sans réponse…
- Des Hommes incapables de penser par eux-mêmes : femmes comme hommes de la forge suivent leur leader (Dame Eboshi) aveuglément, bien qu’une partie souhaiterait vivre en harmonie avec la forêt. Les samouraïs suivent le seigneurs Hasano. Les chanteurs commerciaux suivent les modes. Les politiciens suivent toujours la même ligne politique. Les policiers comme les militaires suivent les ordres. Les ingénieurs et chercheurs découvrent et développent sans réfléchir. Les français préfèrent se battre contre le mariage et l’adoption des homosexuels plutôt que contre Monsanto : plutôt que de cracher leur haine contre le système, le capitalisme fait qu’ils envoient leur rejet contre des innocents.
- Des Hommes obligés de suivre les idées de quelqu’un d’autres quelques soit ses convictions : Eboshi souhaite régir la planète grâce à ses armes toujours plus innovantes et destructrices, toujours dans cette logique du culte du progrès, mais quel progrès ?
- Des Hommes incapables de se limiter dans un libéralisme omniprésent : vivre sans être tiraillé par la faim et avec un certain confort est insuffisant pour la population de la forge, il faut accumuler toujours plus de richesse.
- Des Hommes ne cherchant jamais au grand jamais à tenter de vivre en harmonie avec le vivant qui nous entoure, afin de produire des broutilles superflues, juste pour contenter ses petits caprices : obtenir encore plus de terre dans le film, dans notre monde à nous : fabriquer et vendre des smartphones, des avions, des voitures, des drones, des robots, des tablettes etc…

Le respect entre Hommes il a bon dos (il décroît à vue d’œil qui plus est) et le respect pour notre environnement alors ?!

Je me pose tous les jours la même question : Peut-on être tolérant tout en étant militant ? Tantôt, je me dis qu’il faut cultiver cette intolérance, tantôt je me dis qu’il faut la restreindre et tenter de construire une nouvelle société ensemble. Mais la tâche est tellement ardue, l’Homme part de tellement loin. Un discours même répété 1000 fois, ça passe par une oreille et ça sort par l’autre. Puis même si la personne est d’accord, il n’agira jamais en conséquence : « C’est vrai ce que tu dis mais on n’y peut rien, tu es courageux de vivre en fonction de tes convictions ». Il faut sacrément ne pas aimer la liberté pour ne pas s’attacher à ses convictions ou ne pas tout faire pour en avoir des singulières, des idées qui nous différencieraient et qui nous rendraient unique et indépendant. L’entendre de la bouche d’étudiants, de vingtenaires, de trentenaires qui viennent à peine de mettre les pieds dans cette tant convoitée « vie active » ou qui n’ont pour seule espérance que d’y rentrer. Ça fait peur… Je ne parle même pas des tranches plus âgées qui sont empêtrées dans cette société depuis déjà trop longtemps pour avoir le recul nécessaire, même si l’espoir subsiste : de plus en plus de minorités proposent des alternatives au capitalisme : autogestion, AMAP, potagers communs en ville comme en campagne, retour à la terre etc…

La société suit toujours la même logique, le développement durable c’est de la mauvaise foi, les conventions éthiques du milieu scientifique juste un symbole sans pouvoir, chargées de rassurer la masse, les scientifiques eux-mêmes le disent. Les sciences ne sont aujourd’hui qu’un moteur de la surconsommation du système capitaliste, c’est d’ailleurs pour cela que la seule voie privilégiée est celle des sciences. Des sciences qui n’apprennent pas aux étudiants à réfléchir, à cultiver leur curiosité, bref à s’émanciper, mais qui construisent des automates qui suivent toujours la même ligne de conduite. Les chercheurs en Physique, en Biologie, en Chimie ou en Maths, se fichent complétement des conséquences de leur découverte une fois vendue à un industriel, qu’elles soient sociales ou écologiques. Ils sont juste la tête dans le guidon comme on dit, incapable de lever leur visage pour regarder au loin. Incapable ou sans l’envie, gardant la tête bien baissée à observer leur pied, en attendant sagement que les choses se passent, se dédouanant complétement par la même occasion. Les étudiants en sciences, futurs chercheurs, sont façonnés pour suivre cette règle tacite.

Pourquoi les domaines artistiques ou les sciences humaines ne sont jamais mis en valeur en France ? Parce que ça ne rapporte rien. On propose aux gens dans ces domaines de devenir enseignants pour qu’ils enseignent à des professeurs potentiels qui formeront à leur tour. L’avancée est nulle. Pourquoi un philosophe, un écrivain, un psychologue ou un historien n’aurait pas autant de valeur qu’un ingénieur ? Eux qui réfléchissent surement de manière plus indépendante, mais qui sont cassés continuellement par le système qui les amènent inévitablement dans une voie sans issue, sans travail et sans avenir alternatif. Surement cassés car plus émancipés d’ailleurs.

Vous vous dîtes surement que la digression par rapport à notre Princesse Mononoké de départ est totale. Pourtant comme je le disais au début, l’analogie entre la réalité et ce film d’animation existe belle et bien et toutes les idées que je viens de développer vont à l’encontre d’un équilibre avec la nature. Je suis dégoûté qu’à aucun moment on ne voit l’être humain apprendre de ses erreurs. A la fin de l’œuvre tout est détruit et la nature repart à zéro, y a-t-il une remise en question de l’Homme? Non.
Si on aime la nature, on ne peut rester de marbre devant l’injustice de l’Homme vis-à-vis de ce qui l’entoure. Si vous êtes touché dans le film, vous devriez être touché dans notre monde à nous. Prendre le temps de se balader, de faire de bons repas avec des produits de qualité, de lire, de découvrir de nouvelles formes artistiques, de discuter avec ses amis comme avec des inconnus, n’est-ce pas suffisant ? C’est une sacré piste pour diminuer notre empreinte sur l’environnement.

Vous comprendrez alors ce goût amer que j’éprouve. Une amertume associée à l’inquiétude de voir détruire leur/notre terre une nouvelle fois par l’incapacité de se remettre en question qui permettrait peut-être de vivre plus simplement et plus sobrement. Une sobriété matérielle et pas du tout intellectuelle ou artistique ! C’est ça le vrai progrès selon moi.

Pour conclure sur le film, outre les aspects qui ont dû être répétés à maintes reprises : beauté graphique, personnages touchants dans un univers enchanteur, histoire très prenante etc… Ce qui m’a marqué le plus c’est que surement pour la première fois dans un film, les bons et les mauvais ne sont pas stéréotypés : la population de la forge est présentée comme très sympathique où ce sont les femmes qui mènent la barque (ce qui fait plaisir à voir), pourtant c’est bien eux les destructeurs du récit. Ce n’est pas ou noir ou blanc, mais beige. Quant aux vrais  « méchants », les samouraïs du seigneur Hasano, ils n’ont pas vraiment d’influence, ils restent en retrait par leur carence matérielle (épée contre arme à feu, bon…) et Hasano est un personnage que l’on ne voit jamais. Bref, les mauvais comme les bons ne sont pas exagérés, ce qui augmente la force de l’œuvre car elle est vraisemblable. Que ferions-nous, les Hommes, si on se retrouvait dans cet univers fantastique ? La même chose que dans notre réalité. C’est la réponse de Miyazaki en tout cas.

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